L’ECRITURE CHINOISE : ORIGINE, EVOLUTION, ACTUALITE 1 - Une écriture qui remonte à la plus haute Antiquité L’apparition de l’écriture chinoise est liée aux pratiques que nous considérons comme divinatoires et qui précédaient la prise de décision politique (voir « Spiritualités – La « religion » des chinois – les bases 3 Le Yijing »). Des omoplates de bovins sacrifiés ou des carapaces de tortues étaient passées au feu et les craquelures qui apparaissaient étaient interprétées. En même temps, les circonstances de la cérémonie, la date, le lieu, le nom de l’officiant, la prédiction puis, ultérieurement, les évènements effectivement survenus étaient consignés afin de vérifier ultérieurement ce qui était avancé. Les signes les plus anciens ainsi utilisés ont été trouvés dans le site de Ban Po, près de Xian, en Chine du Nord, dans la province du Shaanxi ; ils remontent à 4 000 ans avant JC. Peu à peu, le système s’est perfectionné et les fouilles archéologiques conduites à Longshan (Shandong), dans un site du néolithique tardif (-2 500 à -1900) ont mis à jour des pictogrammes complexes. Ces traces (les spécialistes parlent d’une « proto-écriture) sont moins anciennes que la naissance des premiers hiéroglyphes (-3 400) ou de l’écriture cunéiforme mésopotamienne (- 3 300). L’écart s’agrandit si on fait remonter l’écriture chinoise aux premiers textes rédigés. Ceux-ci datent de la dynastie chinoise des Shang (– 1600) qui faisait archiver les divinations. Un « dépôt » avait été découvert en 1899 près de An Yang, au Henan. Considérés comme des « os de dragons », quelques-uns de ces précieux témoignages ont été réduits en poudre et vendus comme médicaments. Des lettrés avertis ont arrêté ce massacre et plus de cent mille documents sont aujourd’hui connus, plus de mille caractères identifiés. Certains de ces caractères, comme « máo » (poil, pelage et nom de famille du président Mao Ze Dong) ont peu évolué. On l’écrit aujourd’hui 毛 ; il s’écrivait, en style dit « ossécaille » (jiǎgǔwén 甲 骨 文 ) Mais de très nombreux caractères ont vu leur forme se simplifier considérablement. Ainsi « mǐ » (riz mais pas encore cuit) se trace aujourd’hui 米 et non plus Le style « ossécaille » ne se lit donc pas sans un apprentissage particulier. Mais, il s’agit bien du même caractère que l’actuel. C’est un peu comme si les Egyptiens d’aujourd’hui pouvaient encore, avec un peu d’effort, lire les hiéroglyphes des pyramides : il n’y a pas eu, en Chine, de rupture dans le système d’écriture. Cette extraordinaire continuité contraste avec l’histoire politique heurtée d’un pays qui a connu de longues périodes de guerres civiles, d’invasions ou de dominations étrangères, mongole ou mandchoue notamment. L’écriture affirme l’unité et la permanence de la culture chinoise, par-delà tous les aléas et c’est sans doute l’une des raisons de l’attachement des Chinois à leur système. D’ailleurs, dans la Chine ancienne, l’écrit était considéré comme si précieux – nous dirions sacré – que les fragments de texte écrit trouvés dans la rue étaient ramassés pour être brûlés dans des lieux particuliers, par exemple au temple local de Confucius. 2 - Les styles Pour les grands empereurs, normaliser l’écriture permettait de mieux asseoir leur pouvoir : un système unifié était compris partout alors qu’à l’oral les langues n’étaient pas les mêmes (voir « les langues de chine » et « le mandarin »). Les premières tentatives remontent à la fin de la dynastie des Zhōu (-1100 avt JC jusqu’à - 771). On utilisait à l’époque, notamment sur les magnifiques objets en bronze, vases et récipients, des caractères moulés ou gravés qui dérivaient du style « ossécaille » ; le support utilisé a donné son nom au style que l’on dit « bronze » (jīnwén, jīn signifiant métal 金 文).
Au IX° siècle avant JC, le roi Xuān ordonna à son « historiographe » (son mémorialiste, chargé de tenir les annales du règne) de rédiger un manuel d’écriture, pour l’instruction des enfants des dignitaires de la Cour. L’historien Zhòu, tel était son nom, simplifia le style pour créer le style dit du « grand sigillaire » ou « grand sceau » (dà zhuàn 大 篆). Mais le pouvoir des Zhōu était faible et, dans la période troublée qui suivit (Printemps et automnes (-771 -481), Royaumes combattants (-481 -221)) d’autres royaumes et principautés développèrent d’autres variantes. La création d’une écriture acceptée de tous fut donc l’œuvre du premier empereur qui unifia la Chine, Qín shǐ huáng dì, l’empereur de l’armée enterrée de Xian. Dès que son pouvoir fut assuré, en -221, Qín shǐ huáng dì chargea son ministre Lǐ sī d’uniformiser les écritures. Lǐ sī s’inspira d’une des variantes du dà zhuàn pour former l’écriture dite du « petit sceau (ou petit sigillaire xiǎo zhuàn 小 篆). Elle n’est plus utilisée, sauf pour graver un sceau. La pratique renaît aujourd’hui, pour le tourisme ou par esthétisme. Dans son très beau livre Passagère du silence, Fabienne Verdier raconte la renaissance de cet art si particulier.
La plus ancienne des écritures encore utilisée fréquemment est dénommée « écriture des scribes » ou lì shū 隶书. On la devrait à Chang Moi, emprisonné pour avoir déplu à Qín shǐ huáng dì. Cette écriture s’est généralisée sous les Han et, au 2eme siècle ap JC, a évolué avec l’invention du pinceau. On l’emploie aujourd’hui principalement dans la publicité, pour les enseignes de magasin, les titres des livres. Elle se déchiffre facilement pour un lecteur averti ; on peut comparer les difficultés éprouvées à celles que nous rencontrons face à un texte en gothique.
L’écriture usuelle contemporaine est en effet un peu plus tardive et remonte au 3eme siècle. Elle n’a jamais été retouchée jusqu’en 1958, date à laquelle la République populaire de Chine a procédé à une simplification de certains caractères qui n’a pas eu lieu à Taiwan. Ce style est dit « régulier » (kǎi shū 楷 书); c’est celui de l’impression et des ordinateurs. De même que nous distinguons nos lettres d’imprimerie et celles de l’écriture manuscrite, de même les Chinois distinguent le kǎi shū de l’écriture dite « courante » (xíng shū 行书), plus ou moins délicate à déchiffrer selon son auteur. Mais nous connaissons le phénomène, nous aussi ! Notre tour d’horizon ne serait pas complet si nous ne mentionnions pas l’écriture dite de « l’herbe » ou cǎo shū 草书2). Il s’agit du type d’écriture, dont l’origine est ancienne, cultivée pour la calligraphie. Ici, c’est le mouvement qui l’emporte ; les caractères sont esquissés, épurés ; ils constituent la matière première d’un art spécifique et non plus l’outil fonctionnel de la communication écrite. Ce dernier usage des sinogrammes est sans doute le plus symptomatique du prix que les Chinois attachent à l’écriture. La place de la calligraphie, l’un des beaux-arts en Chine et, pour certains, le premier d’entre eux, n’a pas d’équivalent dans notre culture. A SUIVRE

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