LA CHINE ET LE THE, LA FRANCE ET LE VIN - SUITE ET FIN
Poursuivons
notre comparaison entre la culture française du vin et la culture chinoise du
thé.
2
– UNE PLANTE, DES TERROIRS, DES SAVOIR FAIRE
Le
vin se caractérise par un ou plusieurs cépages (les vins français assemblent
généralement des cépages différents). Un cépage peut se définir comme une
variété de plants de vigne mais ce qui donne son goût au vin, ce sont aussi les
terroirs, c’est-à-dire les lieux dans lesquels la vigne est cultivée et les
caractéristiques de ces lieux. Enfin, le rôle du vigneron est essentiel :
son savoir-faire détermine les conditions de la vinification. Ces trois
éléments se retrouvent, à des degrés divers, pour le thé.
1- Cépages
et variétés de théiers
Le
ou les cépages jouent un rôle primordial pour le vin. Il n’en va pas vraiment
de même pour les théiers dont il n’existe que deux variétés
différentes :
- En Inde, principalement, on trouve Camellia assamica, qui, comme son nom l’indique vient de l’Assam ; les feuilles sont tendres, claires, peu chargées en odeur mais fortes en bouche. Il est bien adapté en plaine et a un fort rendement
·
En Chine, on cultive surtout Camellia
sinensis, qui est originaire du Yunnan. C’est un arbre petit, coriace, dont les
feuilles ont une odeur très concentrée : il est bien adapté aux conditions
difficiles
Ces
deux variétés peuvent être hybridées, de façon à mieux s’adapter au sol. On
compterait 95 cultivars, surtout issus de camellia sinensis. Mais les cultivars
ne déterminent pas le goût ; ils permettent seulement une meilleure
adaptation aux sols.
Comme la vigne, le thé se taille sévèrement ce qui permet d’améliorer la qualité. En outre, pour récolter plus facilement, on maintient l’arbre au niveau de la hanche.
Anhui – Photo AFCPS
La
cueillette maintient le théier à faible hauteur. En effet, Camellia sinensis
est une espèce à feuillage persistant. On peut donc récolter toute l’année,
même si, à la mauvaise saison, il n’y a guère de pousse. En pratique, les
récoltes ont lieu de février à novembre, tous les 8 à 15 jours.
Le
théier peut être récolté 5 ans après sa plantation et la durée moyenne
d’exploitation est d’environ 40 ans à 50 ans pour un thé de qualité et une
production en quantité satisfaisante.
Il
n’y a donc pas vraiment, pour le théier, l’équivalent des cépages de la vigne.
Les variétés de thé tiennent d’abord aux conditions de culture et de cueillette
puis à l’art de la torréfaction.
2
– Les terroirs et les crus
Les
terroirs à thé doivent répondre à des conditions climatiques bien
précises : le théier est rustique (-15° pour le cultivar Kholkida Géorgie)
mais il a besoin que la température ne descende pas en dessous de 12° sinon, il
pousse peu et ses feuilles se flétrissent. Il n’aime pas non plus avoir trop
chaud : au-delà de 24-25 ° les feuilles poussent trop vite et n’ont pas de
goût.
Surtout,
le théier a besoin d’humidité, mais d’humidité légère : de la brume plutôt
que la pluie tropicale. La brume favorise aussi une lumière indirecte :
dans l’idéal, le théier requiert 5 heures d’ensoleillement avec une lumière
tamisée. C’est pourquoi, parfois, on complante avec des arbres qui vont faire
de l’ombre et protègent du vent.
En
clair et pour les jardiniers amateurs : le théier se cultive un peu comme
l’orchidée !
Ces conditions font que la moyenne montagne tropicale (altitude 1800- 2000 m) est une excellente solution, comme le montre la carte des zones de production en Chine continentale.
Carte AFCPS - Pour les types de thés, voir plus bas
Ce
d’autant plus que la pente favorise le drainage. Et le théier a horreur d’avoir
les pieds dans l’eau ; par contre, il aime les sols acides, volcaniques. A
condition qu’ils soient meubles : la racine de l’arbre s’enfonce 6 mètres
sous terre et pour une bonne croissance, il faut aussi 1,5m environ d’humus en
superficie.
Bien
sûr, on peut cultiver le thé dans les plaines tropicales chaudes ; mais le
résultat est à peu près équivalent au vin rouge de basse qualité.
C’est
donc le respect des conditions idéales de plantation (hygrométrie, drainage) et
de culture (taille) qui vont contribuer à faire le bon thé. Un bon thé qui se
reconnaît grâce au nom qu’il porte : c’est son « terroir ».
Ainsi Long Jin (Puits du dragon) pour un thé vert signifie en principe
que le thé vient de la région de Hangzhou ; on précise parfois : du Lac
de l’ouest (xihu), au sein de ce « terroir », c’est le « château »
le plus réputé. Il faut cependant savoir qu’en Chine, il n’y a pas
d’appellation protégée (AOC ou autres) qui garantisse la dénomination. D’où
l’importance de demander d’où vient exactement le thé.
Ce
point acquis, on peut se faire préciser l’époque de cueillette et le mode ;
c’est un peu l’équivalent de la cuvée et du millésime.
La
récolte la plus réputée est la première du printemps : pendant l’hiver,
les huiles essentielles présentes dans les feuilles se sont concentrées. Ce
sont les « primeurs ».
Bien évidemment, la cueillette se fait à la main (la cueillette à la machine est réservée au « thé » en sachet). On distingue donc des niveaux de qualité suivant le nombre de feuilles que prend le cueilleur : le bourgeon (la feuille terminale, encore enroulée sur elle-même) plus une seule feuille c’est la « cueillette impériale ». Les thés chinois d’origine sont donc « impériaux » si cela est précisé ; sinon c’est que la cueillette s’est faite à 2 feuilles.
Pour les thés non chinois, en particulier les thés noirs indiens (le thé des anglais), cette cueillette à deux feuilles s’appelle la « cueillette fine » ou F.O.P. : Flowery Orange Pekoe. Ces mêmes thés ont des « grades » inférieurs à 3 feuilles ou davantage. En d’autres termes, la cueillette ordinaire chinoise correspond au niveau le plus élevé du thé noir indien.
Mais
le terroir et le mode de cueillette ne font pas le thé ; l’homme et son
savoir-faire ont un rôle essentiel, comme pour le vin.
3
– Le savoir-faire : vinification et torréfaction du thé
Les
amateurs savent que le vin blanc et le vin rouge peuvent provenir du même
raisin. Ce n’est pas la couleur de la grappe qui fait celle du vin mais le
processus de fabrication. Dans les deux cas, le raisin est d’abord égrappé et
foulé. Puis, on fait fermenter le mélange ainsi obtenu avant de le presser, ce
qui donne du vin rouge ; ou bien on le presse d’abord et on laisse
fermenter ensuite, ce qui donne du vin blanc. Enfin, bien sûr, le vin, dans les
deux cas, est laissé à vieillir en tonneau avant la mise en bouteille. De la
même façon, la différence entre les thés tient au processus de fabrication.
Les
Chinois distinguent 6 types de thés qui correspondent à 6 façons de faire.
·
Le thé blanc
On
laisse les feuilles se flétrir naturellement, à l’air libre, pendant une longue
durée : plus de 4 jours. Au cours de la 5eme journée suivant la
cueillette, on stoppe à un moment qui dépend des conditions de chaleur et
d’humidité ; il faut savoir doser soleil et ombre. C’est évidemment très
délicat de bien choisir.
Pour
stopper, on procède à une opération qu’on va retrouver dans le thé vert :
on verse les feuilles dans de grands woks placés sur le feu et on agite pendant environ une demi-heure. Les
feuilles sont ainsi desséchées mais bien sûr, là aussi, c’est très délicat. Et
on s’arrête là. Pas de roulage, pliage etc..
C’est
un thé cher et au goût très délicat car il n’est ni oxydé, ni fermenté. Il ne
s’apprécie vraiment qu’avec l’habitude mais, si vous voulez en préparer, sachez
qu’il faut compter environ 10gr par litre d’une eau entre 70 et 80° degrés
maximum et une durée d’infusion de 1 à 2 mn.
Le
thé blanc est une spécialité du Fujian. Les plus réputés :
o
Bai Hao Yin Zhen (aiguilles d’argent
aux poils blancs);
o
Bai Mu Dan (pivoine blanche)
- Le thé vert
C’est
un thé quasi non oxydé et non fermenté. Dès la cueillette, on chauffe les
feuilles à environ 100 ° pendant 30 secondes à 5mn, selon les terroirs.
Puis, à la main, on roule ou on plie les feuilles, encore chaudes pour les deux feuilles et les récoltes d’été, refroidies pour les cueillettes à une feuille ou les récoltes du début du printemps. On peut en faire un bâton, une boule etc …
Ensuite, les feuilles sont disposées sur des séchoirs où elles restent une demi-heure. On vérifie alors le degré d’humidité et si nécessaire, on recommence.
Ce
thé présente une odeur d’algues, des arômes herbacés et iodés. Les plus connus
sont :
-
Long Jin (Puits du dragon) : région
du Zhejiang et ville de Hangzhou
-
Huang Shan Mao Feng : (pointes
duveteuses des montagnes jaunes) région de l’Anhui
La
variété bon marché, c’est le gunpowder, qu’on trouve en Occident.
Les
conditions de préparation sont identiques à celles du thé blanc.
- Le thé jaune
C’est
un thé vert qu’on a fait un tout petit peu fermenté : après la préparation
du thé vert, on pose un linge humide sur les feuilles, en petit tas pour une
durée d’une vingtaine d’heures. Puis on sèche à nouveau.
Très peu connu en France, ce thé vient
· - du Sichuan : Meng Ding Huangya (bourgeons jaunes du Mont Meng)
· - du Hunan : Jun Shan Yin Zhen (aiguilles d’argent du mont de l’empereur) très réputé
Il se prépare comme le thé vert.
- Le wulong (ou thé bleu)
C’est un thé plus ou moins oxydé. On commence par flétrir les feuilles
au soleil et à l’air libre puis à l’ombre, comme pour le thé blanc mais plus
longtemps. Puis, à l’intérieur, dans une pièce chaude et humide, on les brasse
dans de grands paniers pour les abîmer et augmenter la capacité d’oxydation. La
durée de cette opération détermine le degré d’oxydation. On stoppe le processus
en chauffant les feuilles dans de grands woks, comme pour le thé vert. Puis on
roule.
Selon la durée de l’oxydation, le thé a une odeur de jasmin ou de fruits, sa saveur est plus ou moins boisée
Les
plus connus sont
-Tie Guan Yin
(Guan Yin de fer) qui vient du Fujian
- Da Hong Pao (grande robe rouge) également originaire du Fujian et des Monts
Wuyi
Il
se prépare dans une eau à 80-100° à raison de 20 gr par litre ; il doit
infuser environ 2 à 3 mn.
- Le thé « noir » ou thé rouge
On
commence par flétrir, mais longtemps (18 à 32 heures) ; puis on roule.
Ensuite, les feuilles séjournent quelques heures dans une salle chaude et très
humide. Enfin, on stoppe la fermentation en chauffant.
Des senteurs fleuries,
des arômes boisés mais doux
Les thés
« rouges » chinois sont généralement désignés par leur région
d’origine :
- · Grand Yunnan impérial
· Qi men (Anhui Huang Shan)
Ce thé se prépare dans une eau chaude : 90 à 100° à
raison de 10gr par litre ; la durée d’infusion est de 2 à 3mn.
- -
Le Pu’er
Photo
AFCPS
C’est
une préparation très particulière. On commence par une torréfaction, dans des
bassines où les feuilles sont recouvertes d’une couche de paille qui fait
couvercle. C’est une cuisson à l’étouffée. Ensuite, on roule puis on dispose
les feuilles en tas assez hauts (environ 1m) recouverts d’une toile humide.
Cela dure 1 journée ; on peut éventuellement recommencer. Après, les
feuilles sont compressées en brique et mises à vieillir.
Les
galettes anciennes peuvent atteindre des prix très élevés, comme un
bordeaux ; la variété bon marché, c’est le tuo cha.
Le
Pu er se prépare comme le thé « noir » mais il convient de jeter la
première eau.
A
ces 6 types de thés classiques, s’ajoutent les thés parfumés. On laisse un thé vert en contact avec des fleurs ;
outre le jasmin, on utilise la rose, le chrysanthème etc .. C’est bon. Comme un
kir royal à la pêche : ce serait criminel d’en faire avec un vrai grand
champagne ….
.
Et
maintenant, vous savez tout du thé, alors,
BONNE
DEGUSTATION !!!
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