LA CHINE ET LE THE, LA FRANCE ET LE VIN  

1 - LES ORIGINES


A bien des égards, le thé occupe, en Chine, la place du vin en France. C’est pourquoi, pour un Français, il est assez aisé de trouver ses repères pour apprécier pleinement la variété des thés chinois.  Commençons par découvrir en parallèle l’histoire du thé et celle du vin.

 

1 – Le vin : la liane et le produit 

 La vigne existe à l’état naturel depuis fort longtemps : on a trouvé en Ardèche des traces fossiles datant de la fin du tertiaire (environ – 3 à -4 millions d’années  avt JC).

                                                                        Cliché A. Saphon

Avec les glaciations, la vigne s’est réfugiée au Caucase d’où elle s’est ensuite diffusée dans tout le bassin méditerranéen.

Le raisin de ces vignes sauvages était apte à la vinification et on sait que les hommes du Paléolithique savaient déjà faire fermenter des céréales, obtenant ainsi de la bière. Le premier vin, issu de vignes sauvages, serait ainsi apparu en Géorgie où l’on a retrouvé des jarres datant de -8000 avt JC et contenant des restes de vin. C’est dans la même région qu’a vraisemblablement commencé la culture de la vigne, au début du 6eme millénaire avt JC.

De là, le procédé s’est diffusé en Iran, au Moyen Orient et en Egypte. Des bas-reliefs égyptiens datant du III° millénaire avt JC représentent d’ailleurs la vendange et le pressurage.


                                                                            Cliché A. Saphon

Les Grecs ont appris des Egyptiens l’art de fabriquer du vin. Et, très vite, le vin a joué un rôle essentiel dans la culture grecque, comme en atteste le culte de Dionysos, dieu du vin, des fêtes et du théâtre. Les Grecs ont ensuite introduit la culture de la vigne dans leurs colonies, tout autour de la Méditerranée, notamment à Marseille. Les Romains, à leur tour, ont développé la viticulture en l’honneur de Bacchus (Dionysos). 

                                                                   Photo A. Saphon Villa des mystères Pompéi

Sous l’influence de Rome, le couloir rhodanien et le Languedoc ont commencé à produire leurs premiers crus et les ont exporté d’autant plus facilement que les Celtes (les Gaulois) ont inventé le tonneau, plus commode que la jarre utilisée jusque-là.

Ensuite, la viticulture s’est répandue dans toute l’Europe en suivant la christianisation : le vin est indispensable à la célébration de la messe. 


Mais ce vin n’est pas celui que nous buvons aujourd’hui : pas de macération, un simple foulage et une pressée immédiate. Dans ces conditions, le vieillissement du vin était risqué. On le coupait donc d’eau (sauf chez les Celtes) et on y ajoutait de la résine et des plantes aromatiques destinées à favoriser la conservation. Le vin que nous connaissons n’est apparu qu’au Moyen Age. C’est dans le Bordelais que l’amélioration des techniques a permis pour la première fois de réaliser le vin que nous connaissons.

A bien des égards, l’histoire du thé est similaire.

2 – Le thé : l’arbre et le produit

Le théier pousse à l’état sauvage dans le Sud-Ouest de la Chine. C’est un grand arbre de 6 à 20 mètres de haut, appartenant à la même famille que les camélias. Le théier peut vivre longtemps : on connaît au Yunnan des théiers millénaires : Puer possède un théier âgé de 1 800 ans ; une autre petite ville du Yunnan (Fengqinq) considère que le sien à 3 750 ans 


Photo AFCPS – Sichuan Mont Meng

Mais, entre l’arbre et le thé, il faut franchir un pas, comme entre la vigne et le vin. On ne sait pas comment l’idée est venue d’utiliser les feuilles du théier en infusion. Plus exactement, on ne dispose que de récits légendaires, correspondant à chacune des trois grandes traditions spirituelles de la Chine. [1]

Pour la religion traditionnelle, le thé est un cadeau de Shen Nong( 神农) au peuple chinois. Shen Nong, le « Laboureur divin » est l’un des trois personnages mythologiques (les Trois Augustes) avec Fuxi et sa sœur Nüwa qui sont à l’origine de la civilisation chinoise et à qui les chinois considèrent devoir tout ce qui fait leur culture : l’écriture, la maîtrise de l’irrigation et des grands fleuves etc .. Selon les sources classiques, ces héros auraient vécu avant la dynastie plus ou moins légendaire des Xia ( -2205 avt JC à -1767 avt JC)[2].



Shen Nong faisait bouillir de l’eau à l’abri d’un arbre quand le vent a fait tomber quelques feuilles dans sa boisson. L’empereur trouva cela fort bon et se sentit tout reposé. L’arbre était un théier et le thé était né. Avec lui, les vertus médicinales qui l’on lui accorde (anti- oxydants). Shen Nong est d’ailleurs aussi celui à qui la médecine chinoise impute sa connaissance des plantes médicinales.

Les taoïstes racontent une histoire proche. Un moine cherchant à méditer s’est trouvé agacé par le jeu et les cris de singes sautant d’arbre en arbre. Il a lancé des cailloux en direction des animaux. Un singe lui répondit en lançant à son tour des feuilles qui tombèrent dans le bol d’eau chaude du moine. Celui-ci but le breuvage et son esprit s’éclaircit immédiatement.

Les bouddhistes proposent la même histoire mais ils ajoutent parfois une autre version. Le thé viendrait de Boddhidharma. le fondateur de l’école bouddhiste chan, plus connue sous le nom japonais de zen ; c’estaussi le fondateur de Shaolin, l’école d’arts martiaux. Un jour où Boddhidharma s’endormait au lieu de méditer, il se serait coupé les paupières. Ces dernières tombant dans l’eau chaude de son bol auraient donné le thé.

Sans que l’on dispose de preuves archéologiques indiscutables, le Sichuan (ancien royaume de Shu), très exactement le site du Mont Meng, revendiquent la plus ancienne parcelle de théiers cultivés et, bien évidemment, l’invention de l’utilisation des feuilles en infusion 



 Photo AFCPS – Sichuan Mont Meng

On a la preuve d’échanges entre ce royaume et la Chine du Nord, bien avant la conquête, en -316 avt JC. Ce serait donc par cette voie que la Chine aurait découvert le thé.

On ne saurait mieux dire que le thé est central, en Chine. 

Quoiqu’il en soit, on a trouvé des restes de feuilles, à Xian, dans le tombeau de l’empereur Jing Di Liu Qi mort en 141 avant J.-C.  Dès les Han (-200 à +200  époque de l’empire romain), le thé était une boisson répandue dans toute la Chine. On s’en servait pour parfumer l’eau bouillie.

 

A partir des Tang (les Carolingiens chez nous), le thé devient une monnaie d’échange et un moyen de payer l’impôt. On le compacte alors sous forme de brique et c’est un monopole d’Etat.

 


                                                            Photo AFCPS

 Pour le boire, on émiette, on fait griller (problème d’hygiène) puis on fait bouillir avec du sel et des épices. C’est la recette défendue dans un livre célèbre de cette époque : le Classique du thé de Lu Yu. On boit toujours le thé sous cette forme en Mongolie et au Tibet (le thé au beurre rance de yak).

 

Sous les Song, (des premiers capétiens jusqu’à St Louis) on boit le thé battu : il est réduit en poudre puis on fouette pour obtenir une mousse. Au Japon, on continue à préparer le thé de cette façon ; c’est le matcha de la cérémonie du thé.

 

Depuis quand alors boit-on le thé comme aujourd’hui ? Depuis 1391 (la pleine Guerre de Cent Ans - Charles VI le Fou en France). La date est précise parce que le changement d’habitude vient d’un décret impérial. Hongwu, le premier empereur Ming, décide que désormais les tributs en thé livrés à la Cour devront l'être non plus sous forme de briques, mais de feuilles entières. Le thé ou plutôt les thés que nous pouvons déguster aujourd’hui sont nés


                                                            Photo AFCPS


Au 18° siècle, le thé se diffuse largement en Occident, particulièrement en Angleterre qui apprécie le thé « noir » que les Chinois appellent « thé rouge ».

Les importations grèvent le budget car, en dépit de tous leurs efforts, les Anglais ne parviennent pas à produire du thé dans l’Inde qu’ils viennent de conquérir. 

Ce déséquilibre commercial a constitué l’une des causes de la Première guerre de l’opium [1], en 1840. Et ce sont les efforts d’un des plus grands botanistes-explorateurs, Sir Robert Fortune, qui ont permis à l’Angleterre de produire son propre thé.

 

Sir Robert Fortune se targue d’avoir été le premier occidental à deviner que le thé vert et le thé noir provenaient bien du même arbre. Profitant de la relative ouverture de la Chine, arrachée à l’empereur aux termes de la guerre, il a parcouru le Sud du pays, déguisé en marchand.

En 1846, il a réussi à percer à jour les secrets de la fabrication du thé et à persuader des ouvriers chinois et des maîtres artisans de le suivre dans le Nord de l’Inde. Dix ans plus tard, les plantations de Darjeeling produisaient le premier thé « anglais ».

C’est le thé « noir » dont nous avons l’habitude en Europe, un thé dont le goût n’a pas grand-chose de commun avec le thé chinois d’origine, comme nous allons le découvrir dans le prochain billet.  

A SUIVRE !

                                                                                  


[1] Voir prochainement notre série « Brève histoire de la Chine »        



[1] Là aussi, bientôt un article !                             

 



[1] Là aussi, bientôt un article ! 



[1] Bientôt, un article sur le sujet !

[2] Là aussi, bientôt un article ! 


Commentaires

  1. Très instructif même si je ne suis pas un amateur de thé mais plutôt de la première boisson citée lol. Attention encore une redite dans le paragraphe sur Shen Nong.
    你们谢谢

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