L’ECRITURE
CHINOISE : LE PRINCIPE
L’écriture
chinoise fascine. L’Occident parce que les principes sur lesquels elle s’appuie
lui sont étrangers, la Chine parce qu’à bien des égards, ce système original
est l’emblème de sa civilisation. Il s’enracine dans la plus haute Antiquité et
a survécu aux millénaires comme à la révolution numérique. C’est que le
principe est particulièrement adapté à la langue « han »
1
– Le principe
Les
idéogrammes chinois, on dit parfois les sinogrammes, ne forment ni un alphabet
ni un syllabaire. On les compare parfois aux hiéroglyphes égyptiens. Il serait
plus juste de les rapprocher de certains symboles que nous utilisons
quotidiennement. Par exemple, le @ qui émaille nos courriels ou bien les
chiffres. Choisissons- en un :
« 2 ». « 2 » se lit deux en français, zwei en allemand, two
en anglais etc …. Et cependant, le signe ne change pas : il n’y a pas de
rapport avec la prononciation. Le signe renvoie à un sens, sans l’intermédiaire
du son de la langue parlée. C’est un idéogramme !
Le
chinois, on l’a vu (voir « Le mandarin ») est une langue
monosyllabique et « isolante ». C’est-à-dire une langue où les mots
sont invariants : pas de singulier, pas de pluriel, encore moins de
cas ; pas de conjugaison des verbes, pas de temps ou de mode.
De
ce fait, l’idéogramme correspond non seulement à un sens mais aussi à une
syllabe assortie d’un ton. Mais, comme il ne s’agit pas d’un système
syllabaire, deux syllabes identiques et de même ton qui n’ont pas le même sens
correspondent à deux sinogrammes différents. On a vu que, par exemple yáng
correspond à la fois au yáng du yìn, à notre mouton et au peuplier. En
pinyin, c’est le contexte qui fera comprendre. Avec les sinogrammes, aucun
doute n’est permis : voici le
yáng
du yìn : 阳,
le
yáng mouton : 羊.
le
yáng peuplier 杨
et
le yáng océan 洋.
Fort
logiquement, il y a donc autant de sinogrammes que de mots. On considère
généralement que le chinois courant exige la maîtrise de 3 000 à 5 000
sinogrammes. Au début du 18° siècle, l’empereur Kāngxī fit recenser tous les
sinogrammes connus ; on en dénombra 47 035 plus 1995 variantes soit
un total de 49 030. Aujourd’hui, de nouveaux se sont ajoutés, ordinateur
par exemple …
Le
plus souvent, les mots nouveaux sont des mots composés, c’est-à-dire des mots
formés de deux idéogrammes dont chacun a – ou avait autrefois – un sens. Leur
juxtaposition forme un nouveau mot dont le sens découle plus ou moins de la
rencontre des deux. Par exemple, shouji (手机)
signifie l’appareil (ji) qui est dans la main (shou) c’est-à-dire le téléphone
portable …
Faut-il
disposer d’une mémoire exceptionnelle pour retenir la masse des caractères
indispensables à la vie courante ? Oui et non car les sinogrammes obéissent à
des règles de composition qui facilitent l’apprentissage.
2
– La lecture : les règles de composition
Regardons
ce caractère : 国 (guo pays). Pour nous,
c’est un tout ; pour un Chinois, 国 est
très clairement formé de deux parties : 囗
(wéi) qui signifie l’enceinte, la clôture et 玉
(yù) qui désigne le jade, matière ô combien précieuse aux yeux des Chinois. Un
pays, c’est donc quelque chose de précieux que l’on met à l’abri…
L’apprentissage
de l’écriture chinoise repose en fait sur la connaissance de caractères simples
et sur la mémorisation de leur combinaison pour former d’autres caractères. Les
sinogrammes constituent comme un gigantesque jeu de construction offrant, à
partir de quelques centaines de briques différenciées, des dizaines de milliers
de combinaisons.
Beaucoup
de ces caractères de base sont des pictogrammes, c’est-à-dire le dessin
simplifié du mot signifié. Ainsi par exemple le caractère moderne « électricité »
(dian 电 ). Mais les caractères
plus anciens ont évolué, se sont stylisés, de sorte que le lien entre le sens
et sa représentation n’est plus si évident. Ainsi par exemple pour dao, le
couteau 刀.
Le
pictogramme est bien adapté à la représentation d’un objet ou d’un être
(l’homme : ren 人). Mais comment représenter des actions ou
des idées ? Deux systèmes coexistent, une représentation imagée ou bien une
allusion à la prononciation :
想
(xiang 3eme ton penser, croire) constitue un bon exemple de
représentation complexe : il est formé de trois caractères : en haut,
木
mu4 l’arbre et 目
mu4
l’œil , en bas 心 xin3, le cœur, siège de la pensée en Chine. Si
l’on connaît déjà ces trois caractères, il suffit d’inventer une astuce
mnémotechnique pour retenir l’ordre dans lequel ils présentent pour signifier « penser,
croire ». Autrement dit, lire, en chinois, fait appel à la pensée
analogique.
Dans 让 (rang 4eme ton inviter à
faire quelque chose mais aussi céder le pas…) on reconnaît 上
shang (4eme ton) ce qui donne une idée
de la prononciation mais ce 上
est
précédé d’un signe, très utilisé, qui représente une forme contractée de la
parole. L’addition des deux peut permettre de deviner le terme …
On
le voit, la connaissance des caractères élémentaires qu’on appelle souvent les
« clés » est le préalable à l’apprentissage de la lecture, comme de
l’écriture. Jusqu’à la généralisation des écrans numériques, ces
« clés » jouaient un rôle majeur : elles permettaient de se
servir des dictionnaires !
En
effet, vers l’an 100 après JC, un érudit, Xǔ Shen entreprit de classer les
sinogrammes afin d’élaborer un dictionnaire. Le système reposait sur la
fréquence d’utilisation de l’idéogramme placé à gauche, ou, le cas échéant, en
haut, parfois en bas. Il retint 540 « clés », présentées dans le
Shuō wén jǐe zì. Mille six cents ans
plus tard, le Zì huì, ou dictionnaire de Kangxi simplifia le système pour ne retenir
que 214 clés toujours utilisées et qui correspondent parfois à des mots usuels,
ainsi « kǒu » (la bouche口) mais pas
nécessairement : il existe une clé du petit oiseau et une clé du grand
oiseau …
Désormais,
il suffit de tracer l’idéogramme sur l’écran pour que le téléphone portable
donne la réponse. Encore faut-il toutefois savoir tracer correctement les
signes qui ont un ordre et un sens.
3-
L’écriture
Commençons
par dissiper une confusion fréquente : écrire en chinois, ce n’est pas faire
de la calligraphie ! Certes, la calligraphie utilise les caractères
chinois mais c’est un art, avec ses propres outils et ses exigences. L’écriture
ordinaire, celle dont on se sert chaque jour, est différente.
On
a vu qu’un idéogramme se présentait sous une forme simple ou bien résultait de
la combinaison de plusieurs formes simples. Apprendre à écrire, c’est donc
apprendre à tracer ces formes simples.
Celles-ci
se décomposent à leur tour en unités de base, essentiellement points, traits,
crochets. Ensuite, il convient de tracer chacun de ces éléments dans le bon
ordre et dans le bon sens. Prenons un exemple simple : « 口 »
kou, clé de la bouche.
Pour
que la forme soit réussie, il faut qu’elle s’inscrive dans un carré et se
répartisse harmonieusement à l’intérieur de celui-ci. Les enfants chinois s’y
entraînent non pas avec des lignes, comme nous le faisons mais en utilisant des
feuilles remplies de grands carrés barrés d’une croix centrale qui facilite la
recherche d’une disposition équilibrée des éléments.
L’idéogramme
compte en fait trois traits (et non pas quatre) : un trait vertical de
haut en bas, un trait horizontal de gauche à droite qui enchaîne sur un trait
vertical de haut en bas, terminé par un crochet, puis un trait horizontal de
droite à gauche qui ferme le carré. Chacun se trace selon un sens directionnel,
un élan du geste qui est propre à l’élément et qui se sent, même lorsque le
caractère est écrit avec un stylo ; chaque trait succède au précédent dans
un ordre fermement établi :
-
Le trait horizontal avant le vertical
-
De gauche à droite
-
De haut en bas
-
L’extérieur avant l’intérieur mais l’intérieur
avant de fermer le cadre
-
Le trait du milieu en premier puis à gauche
et à droite
-
Le point en dernier
Pour
le lecteur chinois, ces règles ne sont pas seulement garantes de l’esthétique ;
elles assurent la lisibilité.
A
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